Christophe Coppens (1969) entretient une relation étroite avec le théâtre et l'opéra. Ayant connu un rapide succès avec des œuvres à la lisière de la mode, du design et de l'art, il se consacre par la suite aux arts plastiques et la mise en scène d'opéras.
Par Dennis Marien et An Van Hertum

Pour le projet artistique « Les Dix », Christophe Coppens pose un regard personnel, inventif sur dix détails de la collection KMSKA. Sa sélection, il la transforme en une expérience ludique et aventureuse. Et fait unique : la maison d’opéra La Monnaie coopère pour le projet.

 

Avec la réouverture du musée en vue, le projet bat son plein. Pouvez-vous nous raconter comment tout a commencé ?

« Lorsque nous avons discuté du projet, j'étais tout de suite enthousiaste, mais aussi prudent. Concevoir dix nouvelles pièces qui côtoient toutes ces chefs-d'œuvre me semblait une intervention particulièrement délicate, et aussi un exercice d'humilité.

En plus, je suis un visiteur de musée difficile : je n'aime pas ce choc dans une salle de musée entre des installations typiques pour enfants et les œuvres d'art. Ma première pensée était que les tableaux sollicitent à tel point l'imagination que mon intervention serait superflue. Toutefois, la mise en évidence d'un détail permet de réveiller l'imagination de l'enfant. Elle invite à regarder et à découvrir sous un angle différent. Rendre visite à un musée prendra ainsi la forme d'une aventure surprenante. Enfant, ma première expérience muséale était d'ailleurs au KMSKA. Mon grand-père m'avait emmené. J'étais très impressionné, notamment par la salle Rubens avec ses plafonds hauts, ses canapés en velours rouge.»

"La mise en évidence d'un détail fait travailler l'imagination de l'enfant. "
Christophe Coppens

À partir de 2022, vos créations seront installées dans les imposantes salles du musée. Comment avez-vous sélectionné les dix œuvres à partir desquelles vous avez travaillé ? 

« C'était tout un défi. Avec les curateurs, nous avons parcouru toutes les œuvres d'art présentées en salle. On a ainsi fait une présélection. Ce n'était pas simplement une question de trouver de l'inspiration, c’était aussi un projet avec beaucoup de considérations d’ordre pratique : contraintes de la salle, répartition dans le musée, sécurité des visiteurs... Ce projet n’est pas à propos de moi. Ce n’est pas une expo solo ! Et c'est précisément ce défi qui m'a séduit : réaliser une œuvre visuelle percutante qui se fond dans l'espace. « Les Dix » se destinent à tous les enfants, quel que soit leur milieu, mais il ne fallait pas pour autant que l'ensemble soit enfantin. 

Je ne me suis donc pas contenté d'agrandir un détail, ce qui serait trop simpliste. Je voyais une série d'œuvres tactiles, avec son ou mouvement, suscitant la réflexion et la fantaisie, incitant les visiteurs à s'égarer dans le tableau. »

Maquette d'une installation de salle inspirée du tableau La Tentation de saint Antoine.
La tentation de saint Antoine - Maerten de Vos, KMSKA (detail)

Votre œuvre favorite de notre collection en fait-elle partie ?

« Il m’est impossible de désigner une œuvre favorite. Je me réjouis toutefois de revoir La tentation de saint Antoine de Maerten de Vos. Lors de la sélection des tableaux, celui-ci a particulièrement retenu mon attention : les nombreux détails, les créatures insolites font immédiatement appel à l'imagination. Mais parfois, ce sont d'autres détails qui se dégagent : comme la position étrange de la main de Saint Jérôme de Bethléem  de Marinus van Reymerswale. Ce détail a quelque chose d'intriguant et fantomatique. Dans Paysage avec la fuite en Égypte de Joachim Patinir, une œuvre de taille très réduite mais magnifique, mon attention s'est portée sur le rocher. Il semblerait que Patinir se soit inspiré du paysage de sa ville natale, Dinant. »

Saint-Jérôme - Marinus van Reymerswale, KMSKA (detail)
Maquette d'une installation en chambre inspirée du tableau de Saint-Jérôme.

Il s’agît donc d’un très grand projet sur lequel on ne travaille pas en solo.

« Les dix œuvres sont chacune réalisées de manière très différente. Au lieu de collaborer avec divers ateliers, j'ai choisi de me rapprocher d'une autre institution belge : la Monnaie de Bruxelles. Mes expériences avec leurs ateliers étaient tellement positives que je tenais à les impliquer dans le projet.  J'y ai dirigé deux opéras et mon troisième, Norma, sera présenté en première en décembre 2021. C’est une collaboration particulière. Ce n’est pas une relation classique entre commanditaire et exécuteur mais une véritable interaction. Et cerise sur le gâteau : nous jetons un pont entre deux belles villes et institutions culturelles belges : Anvers et Bruxelles, un musée et une maison d’opéra. Nous étions très heureux que La Monnaie ait donné son accord. C'est la première fois qu'elle accepte une production pour un musée. » 

"Nous étions très heureux que La Monnaie ait donné son accord. C'est la première fois qu'elle accepte une production pour un musée. "
Christophe Coppens

Nous attendons, bien sûr, avec impatience la réouverture. Comment verriez-vous les « Dix » dans un an ? 

Nous attendons, bien sûr, avec impatience la réouverture. Comment verriez-vous les « Dix » dans un an ?

 

Cette interview a été publiée dans le numéro d'hiver de ZAAL Z.

Photo en haut : Simon van Rompay