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manuscrite

Mesdamoiselles, Mesdames, Messieurs, a bon entendeur salut, veuillez S.V.P. entendre mes mots récents, melangés, plus ou moins généreux

Éloge ironique de la diversité de l'art wallon lors du cinquième "Salon de l'art wallon" au Casino Kursaal d'Ostende.

1 Copie exacte.

 

Mes damoiselles, Mes dames, Messieurs, a bon entendeur salut veuillez S.V.P. [doorstreept : je vous prie] entendre mes

mots récents, mélangés, plus ou moins généreux, frappés à chaud ou à froid, 

ils me et venus en quantité. Faut m’excuser, n’entends louer l’art wallon

et ses formes extra-variées.

Chapeaux bas et toques aussi, l’art wallon règne ici et gagne les nues bleues. Limaces

rentrer vos cornes, muses tendez l’oreille. Branle-bas de bicornes, le flot

tumultueux monte, la coulée est puissante, la flamme ardente, elle morcelle

Bruxelles, elle inquiète Anvers et ses atours et les tours de ses Tours.

chers amis Wallons vos [doorstreept : poings] mains puissantss creusent, minent profondément

notre dame la terre, alors elle tremble sur ses gonds rouillés de ses veines portes.

Alerte! Déjà vos graveurs gravent leurs noms graves aux portes de Louvain.

Déjà vos constructeurs armés de pointes d’airain, vos gilles, vos doudoux plumés

d’acier trempé perforent la molle argile de nos Flandres aimées. La lutte est

sévère elle s’avère sans merci. Chers wallons, chers flamands pour l’amour de

nos ciels bleus, entendez vous bilinguez, bilinguons. Foin des pasticheurs

boulimiques campés à  l’aveuglette sur trétaux vacillants.

Mesdames, messieurs, oyez mes mots méchants adressés aux maîtres de

la boue.

J’aime de leur dire sans repentirs entre [doorstreept : dix] quarante yeux pochés, passés au bleu [doorstreept : lavé]

Peintres monochromes déflûtés vous salivez et salissez la longue robe

d’argent de nos mers de luxe.

Pauvre petits soldats des causes perdues, culs de plomb sans foi ni loi,

extrémistes douceâtres, batailleurs gourmés, ronchonneurs à froid, vous

bouffez à crever vos guérites en chocolat. Vous claquemurez en vos crânes

étroits la veilleuses sacrée. Songez donc aux larmes de Vesta, aux prunelles

de nos filles, à celles aux ires de nos fées dardant feu de Joie.

Eclairez vos caves sinistres, égayez vos soupentes, déridez vos mines sombres,

désafectez vos cachots et cachettes, désinfectez vos trous de taupes, polissez sans

cesse vos lunettes et conserves embrunies, cambrez vos mollets plats balladins

photoformes, aiguisez vos ergots, rincez vos œils de perdreaux, épilez vos ventres

de biche, décrottez vos pieds de céleris. Vous avez assez tirés les vers verts

des vieux nez endoloris.

Pas de quartier, rien à louer chez vous lunatiques mal lunés, fariniers

charbonneux, cuisiniers dangereux, criticulets moisis-rancis.

Vos belles amies ratées dévoyées, décervelées emmagasinent à l’excès du

jus de podagre, languettes de perroquet, lancettes de médicastres, humeurs

d’oies farçies, fœtus de snobinettes, croûtons de rapines, relents de Proserpine,

queues de cerises, bagout de midinettes gigots de gigolettes, gigues de gigolots.

Démasquons les roublards et leurs (onleesbaar) ou négociants serviles et leurs (onleesbaar) et leur helgas et les mauvais coucheurs,

Louons comme il convient, à corps et à cris, les bons peintres de Wallonie

car au large de la mer, porte voix de nos joies, Ostende et son Kursaal

les accueille et les aime sans doutes.

,

2

A vous les vrais artistes wallons ci-présents, à vous les graveurs de

Franchimont, à vous les peintresses de Méricourt je dirai vos extrêmes

se touchent, vos lumières élevées battent les campagnes et ne se

mouchent pas du pied. Vos membrures, vos clefs de voûtes et

musicales soutiennent supportent nos champs gras où végètent et

grouillent petits choux crêmeux gros navet préhistorique, la carotte modernisée

l’épinard suave, l’oignon transpirant, la citrouille anémique, l’endive

vermoulue, la rose sans épines chère à l’Epinois, l’asperge aspergée, la laitue

boursouflée, le potiron bien posé, l’artichaut épique, le salsifi salé, la salade classique,

la noix vomique et concombre dépaysé , haricot scabreux putrescent détonant, patate accentuée.

Chers auditeurs [doorstreept : et auditrices] de mes rêves.

Point n’est besoin d’épeler les artistes wallons, leurs noms chantent clair

d’ici vous savourez leurs gestes, leurs grands cris de passion.

Purs d’alliages et de compromissions, ils sont peintres très avant tout.

Ils sont fiers Wallons, c’est tout dire.

Marcel l’Epinois en personne les représente. Lui l’organisateur du

Cinquième salon wallon, lui doué d’une cinquième vue, lui le

flaireur suraigu, lui le moteur promoteur non bourdonnant, lui

l’idole, le fétiche des exposants, lui vous livre leurs caboches montées

sur plat d’argent. Il inscrit leurs qualités et titres, leur bons plaisirs.

leurs points d’exclamations et  d’interrogations sur pilier granité, marbré

veiné de joliesses.

Et Louis Pierard le [doorstreept : grand] bon protecteur, ultra raffiné, se dresse au centre du carre-

-four d’où les voies d’art bifurquent. Pierard Wallon d’envergure, esprit à jamais

vivant, tictac perpétuel, augure rouge omnipotent, vous administre ses projets, vous abandonne ses

idées, vous donne tous ses temps. Un hommage au grand Jules Destrée, le

ministre des beaux peintres est de saison. Et je salue Madame Destrée, la noble

muse de la gravure, encore elle rayonne telle mascotte précieuse. Et Gilbert

et le grand caporal cardinal de la Meuse et madame Lambotte et ses bottes bottes bottes carabinées*

et vos belles escrimeuses lettrés elles charmantes femmes de lettre             

est de pinceau et les membres bien onglés de votre presse bien en forme

formés de politesses et férus d’amabilités.

Et moi le peintre des masques apeurés, j’ai crié et prononcé avant la

lettre : Vive l’art non pas Wallon mais Vallon parce que monts et

vallons accentuent et magnifient votre riant pays. Mes chers âmes et

amis je vous baptise Vallons de feu, Vallons de flammes, Vallons de

carrières. Vallons de fer. Vallons de grâce et de beauté. Je vous salue

Vallons. Vive Vous Vallonie !

Aimons vos belles Vallonnes et la noble Liège votre [doorstreept : capitale] citadelle auréolée

de tous les feux, de tous les yeux, de tous les Jeux d’amour.

 

                                                                               Baron James Ensor

                                                                            Ostende, Juillet 38

 

Envoyé une lettre à Marcel l’Epinois

26 rue Réynier Liège le 13 juillet 38

 

 

 

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À propos de ce document d’archive

Identification

  • Type d'objetmanuscrite
  • TitreMesdamoiselles, Mesdames, Messieurs, a bon entendeur salut, veuillez S.V.P. entendre mes mots récents, melangés, plus ou moins généreux
  • Date07/1938
  • RelationsAuteur: Ensor, James
    Piérard, Louis, Destrée, Jules, Destrée-Danse, Marie, Gilbart, Olympe, Lambotte-Protin, Emma, Labarre, Eugène, L'Epinois, Marcel, Kursaal Oostende
  • LieuOstende
  • Sujettentoonstellingen

Caractéristiques

  • Genreredevoeringen
  • Supportpapier
  • Matériel d'écriturepennen
  • Numéro de l’image numériqueA4123
  • Droits d'auteurPublic domain

Annotations

  • Contenu de l'annotation- Au recto, la mention "copie exacte" est inscrite au crayon à gauche. - Au verso en bas à gauche au crayon "Envoyé avec lettre à Marcel l'Epinois / 26 rue ( ?) Liège le 13 juillet 38"

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