peinture
Scène de bordel
Joachim Beuckelaer
À propos de cette œuvre
Détails de l'objet
- TitreScène de bordel
- Date1563
- Supporthuile sur bois
- Dimensions132,5 × 176 cm
- Numéro d'inventaire858
- Inscriptionsen bas à gauche : JB
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Des personnages visiblement éméchés ont des manières de table nettement répréhensibles. Un homme tripote deux femmes et la troisième femme est plus intéressée par le contenu de sa chope que par l’enfant qu’elle doit nourrir. L’invité est manifestement de bonne extraction. Sa tenue est raffinée et il boit du vin d’une cruche en étain et servi dans un verre. Les femmes en revanche sont simplement vêtues et boivent de la bière dans une chope en terre cuite. La servante s’affaire et se démarque visiblement de ce qui se passe autour de la table car le regard qu’elle échange avec le spectateur est clairement réprobateur. A l’arrière-plan, un vieillard se repose au coin de la cheminée. Un troisième homme entre par la pièce arrière.
Ce dernier personnage indique que cette scène se déroule dans un bordel, et non pas dans une cuisine ou une auberge, comme l’ont cru longtemps les critiques d’art. Beuckelaer avait peint en fait une scène similaire (Walters Art Museum, n° d’inv. 37.1784) qui ne laisse aucun doute sur ce qui passe dans la pièce du fond : un homme, le pantalon sur les cheville, se penche sur une femme couchée sur un lit. La scène de lupanar à Anvers présente une version moins impropre de ce thème. Beuckelaer a en outre basé ses deux versions sur des scènes de bordel du Monogrammiste de Braunschweig. Le précédent très explicite (KMSKA, n° d’inv. 875) montrait un homme saoul sortant du lit d’une femme. Dans la version ‘plus propre’ (National Gallery Londres, n° d’inv. 5577), une homme et une femme habillés entrent dans le salon. Le dessin sous-jacent révèle que Beuckelaer voulait imiter la version londonienne jusque dans le détail en dessinant initialement deux personnages sur le seuil de la porte.
La cage d’oiseau fait peut-être allusion aux activités du bordel. Vogelen signifiant forniquer en ancien néerlandais, les jeux de mots avec les oiseaux étaient fréquents dans la littérature et la peinture hollandaises des seizième et dix-septième siècles. La cage est en outre symbolique placée à côté de la pièce arrière, comme sur la scène anversoise d’après le Monogrammiste de Braunschweig. La recherche de la symbolique chez Beuckelaer a parfois donné lieu à des conclusions tirées par les cheveux. Certains historiens de l’art ont interprété les panais et les courgettes à l’avant-plan à gauche comme des symboles phalliques, le poulet embroché comme une métaphore de la pénétration. D’autres ont vu dans les personnages des personnifications des vices. L’homme à l’arrière représenterait ainsi la Paresse (Acedia) et l’homme à l’avant la Luxure (Luxuria). Ces interprétations semblent aujourd’hui poussées trop loin.
Beuckelaer montre avec une bonne dose d’humour les facettes les moins glorieuses de la nature humaine, et toujours dans un milieu social spécifique. La pièce peinte, un lieu de mœurs légères, devait nettement détonner dans les riches maisons bourgeoises auxquelles était destiné le tableau. En dépit de la version plus propre de la pièce arrière, son public aurait reconnu le lieu comme un bordel et interprété la conduite des personnages comme indécente. Il n’avait donc pas besoin d’avoir recours à des symboles pour faire passer ou occulter son message.
Les contemporains de Beuckelaer apprécient ses toiles pour leur grand réalisme. Les multiples détails livrent en effet une quantité d’informations sur le seizième siècle. Les cruches en étain, le verre et la poterie ressemblent étonnamment aux découvertes archéologiques de l’époque. Les fenêtres et les carreaux de faïence se retrouvent dans des maisons du seizième siècle. Il n’est pas possible de faire une étude comparative des tenues vestimentaires car les tissus de l’époque ont rarement survécu au passage du temps, mais les historiens spécialisés dans les costumes estiment que le peintre a été fidèle à la réalité. Un tableau est en même temps toujours une construction de l’esprit : Beuckelaer ne peint pas ce qu’il voit. Le manteau de la cheminée à l’arrière-plan en est un bon exemple. Le peintre s’est basé pour cet élément du décor sur une gravure d’une cheminée dorique trouvée dans le livre d’architecture de Sebastiano Serlio, et reprise à Anvers par Pieter Coecke van Aelst. Beuckelaer utilise souvent cet ouvrage comme source d’inspiration alors qu’il n’en existe aucun exemple construit à Anvers.
Le tableau a été récemment restauré et a retrouvé ses couleurs d’origine. Le dessin sous-jacent apparaît à divers endroits sous les couches fines de peinture. Plusieurs modifications sont même visibles à l’œil nu. La tête de la femme à gauche par exemple se trouvait plus à droite. La technique du dessin sous-jacent elle-même montre des disparités. Certaines éléments sont esquissés d’une main légères, tandis que d’autres comme la cruche à gauche ont été dessinés selon des axes.
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