La chute de la citadelle d’Albe. Image et mémoire dans la tourmente
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Le KMSKA possède une peinture représentant la démolition de la citadelle d’Anvers en 1577. À première vue, il s’agit d’une scène urbaine animée et pleine d’activité. Mais en y regardant de plus près, on découvre une histoire pleine de couches, de pouvoir, de manipulation, et de la manière dont les images façonnent notre vision du passé.
Construite au XVIe siècle sur ordre du duc d’Albe, la citadelle était un bastion de domination contre la ville. Après un pillage sanglant des troupes espagnoles, la ‘Furie espagnole’, la haine à son égard fut telle qu’elle fut partiellement détruite. On parle souvent d’un acte collectif de libération. Pourtant, les documents de l’époque racontent une autre version : la démolition fut strictement encadrée par les autorités et la garde de la ville, avec travail forcé et amendes pour les absents. La joie populaire y joua à peine un rôle.
Cette double lecture, entre ordre orchestré et chaos magnifié, se reflète aussi dans la peinture réalisée vers 1620 dans l’entourage de Sebastiaan Vrancx. Récemment restaurée par le KMSKA, les recherches qui l’ont accompagnée ont révélé un récit beaucoup plus vaste. L’œuvre reprend une composition plus ancienne qui montrait probablement Guillaume d’Orange et son épouse comme héros de la résistance. Mais dans cette version postérieure, peinte alors qu’Anvers était de nouveau sous domination des Habsbourg, ils sont remplacés par un charlatan obscur. Au lieu de guérison, il apporte la tromperie. Un message subtil, mais clair : la démolition de la citadelle était-elle une erreur? Guillaume d’Orange n’était-il qu’un imposteur vendant de faux espoirs ?
À ses côtés, des objets intrigants apparaissent : des calculs vésicaux, douloureuses pierres retirées par des opérations risquées. Ces pierres étaient parfois conservées, exposées, voire vénérées comme preuves tangibles de guérison. Ici, elles deviennent ambivalentes : symbolisent-elles la purification, ou l’illusion de la guérison ?
L’exposition explore comment la citadelle - construite, détruite, puis reconstruite - est devenue un symbole de lutte et de pouvoir, et comment l’art fut utilisé comme propagande. Arcs de triomphe, caricatures, estampes ou plaques commémoratives : chaque image véhicule un point de vue, un message, une vérité.
Que retenons-nous, et que préférons-nous oublier ? Et qui décide de ce que nous voyons ? Cette exposition révèle comment l’histoire n’est pas seulement écrite, mais aussi peinte.
Infos pratiques
- Dans le cabinet des estampes, au troisième étage.
- L’exposition est incluse dans le billet d’entrée du musée. Il n’est pas nécessaire de réserver un créneau horaire séparé pour cette exposition.en apart tijdslot voor deze expo te reserveren.