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Notice on Alfred Verhaeren, member of the Academie

A "notice" is a short essay on a specific topic that, besides delivering a speech, is part of a compulsory part when you enter Art Academie.

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Ses grands parents descendants

[doorstreept : Sa mère, fille ou petite fille] de bouchers, lui

donnèrent la raison positive, l’insensibilité profitable,

l’amour des viandes fraîches ; il devint le plus

flaireur de nos peintres. Il soupèse, sans frémir,

les grasses poulardes égorgées, les volailles étranglées

à la dodine, les anguilles martyres aux chairs

déchirées, mais nul flot de matière sonore,

quelle cuisine parfumée ! Ce fut l’époque des

belles pâtes, des belles pattes, des patines, des ragoûts

croustillants : La peinture fleurait bon à Bruxelles,

choux et choesels, fricadelles et waterzoois, civets

et carbonnades ; les tubes de blanc d’argent cra-

-chaient  de la crème  et l’on dorait à tour de

bras pâtes, croûtes et tableaux avec vernis de

bon aloi.

Alors les antennes du beau peintre grapillaient

les doux raisins, les fleurs au parfum lourd,

les soies onctueuses, le fin duvet du bon fruit

des pêches. Gras découpeur des saucisses

breugheléennes du pays de Cocagne, il voyage

un peu déçu au maigre pays d’Espagne.

Depuis, ses citrons anti-musicaux jutent

de plus belle, agaçant lèvres et dents.

Plus tard, il visite le Maroc. C’est la

gloire des grands ors des homards hurlant

leurs rouges pimentés et de pourpre pincés, des raisins ballonnés et

tendus tels sphériques prêts à crever, des canards

dodus décervelés au bec de clarinettes couacquant

miséricorde.

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Notice sur Alfred Verhaeren

 

Certes, les lutins follets n’assistèrent pas au

lever du beau peintre des matérialités, non

plus les fées capricieuses cannées d’ivoire ou d’ébène.

Il ne vit pas les mirages décevants, les combinai-

-sons harmoniques, le noble jeu des lignes les

rhythmes au sens subtil. Il ne saisit pas la

grave beauté des feuilles mortes décolorées, mais

des papillons beurrés d’or frôlèrent ses lèvres, ra-

-virent ses yeux, ravigotèrent ses convictions. Des

fleurs vives des fruits mûrs lui soumirent leur

beauté et l’aile d’un colibris lui dit bien des choses.

Il aime les rouges sanguinolents des chairs

veinées d’azur, le vert des pommes dures, l’opale

des cristaux.

Ses harmonies acides furent goûtées en Brabant

et maints bourgeois au nez fraisé, panachés de

lambic, allumés de civisme, lui prêtèrent leur

estime en lui donnant la main, main solide

de brave homme, œil gaillard et bien posé,

physique de beau mâle [doorstreept : étalonné à tous crins],

tête grosse, regard serein, poitrail bien côté

torse puissant, épaules presque cubiques,

expression nette, un tantinet rabelaisienne,

poings solides d’anglo-saxon.

Ses ancêtres maternels, Crabbe de nom,

nom considéré chez les vieux de la peinture,

nom de collectionneur au goût sûr.

,

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oui, tous les sens participaient au plaisir sacré,

l’œil d’abord, ensuite le goût ensuite, puis le

toucher, enfin l’esprit d’essence plus humble

pimentait parfois la peinture de quelque traits

clairsemés le coloris des maîtres de l’époque.

Technique sans prétention d’humble servante

ou de bonne à tout faire. Mais, il n’avait

cure le beau peintre des halles des apprécia-

-tions de nos critique d’esprit étroit et j’aime

encore redire à leur adresse mes gros mots

bien connus ‘’n’aggravons pas les sensibilités

glauques de nos céphalopodes très en creux’’

[doorstreept : Fatigué des culbute] Oui, les culbutes savantes

de certains chercheurs, combien attardés me

fatiguent. J’admire les belles natures simples

des temps passés  nos ultra modernes goû-

-tent peu l’effort des vieux peintres du réel

Au musée de Bruxelles un ‘’intérieur d’

Eglise’’ belle page de grande puissance

soutient tout un panneau. L’œuvre présente

des ornements, des étoffes éparpillées un éten-

-dard vert et lourd étale son velours épais

brodé d’or, des boiseries cirées, des dalles

grises et grasses semblent graissées par les

cierges jaunes, admirable opulence ! Tout

semble fondu beurré, sucré cuisiné par

maître-queux attentif et gourmet ! La peinture

est datée 1897, elle marque dans l’œuvre du

peintre maître.

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On n’oubliera pas de sitôt ses verts sau-

terelle ses roses diamantés de rosée, ses

melons entrecôtés, ses courges orangées, ses

poireaux chevelus, ses petits pois à la française.

Encore des ornements sacerdotaux : chappes

légumineuses, crosses fleuries de chou-fleurs,

etoles etoilées de rayons d’angélique et

fulgurants.

Puis des chinois détressés sautillants sur

des vases, des soies et des tapis de Perse, des

services à café Empire, des lustres d’apparat

ornés de pendeloques prismatiques, des bougies

coiffées de vessies tricolores, des verres verts,

des images et des camées.

Aussi meubles boulus-volutés de style ma-

-ssif rocailleux entrepris par cirier-vernisseur,

housses immaculées correctement posées sur

fauteuils ecartelés, [doorstreept : canapés] divans épiscopaux de

violet veloutés. Des livres gras d’ordonnance,

                                                      e

relié en veau, étalé sur crédance. Mobilier

d’essence rare au cœur massif, dons cossus

de parents brabançons du bas de la ville.

Souvenirs candides du beau peintre vous

me parlez du style civil et des cœurs simples

d’alors, style à jamais perdu de la petite

vertu, ancré chez les bonnes gens des quartiers

populaires, style des bonnes mœurs, des bons

livres, de la bonne peinture et du bon sens.

,

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[doorstreept : Ah ! le frais décor, les belles couleurs inspiratrices

du beau peintre.]

Mais un morceau beau entre tous !

‘’L’entre-côte’’  L’œuvre capitale de l’artiste

Là, convergent toutes ses qualités. Là on

devine l’amour et la santé de ses grands-mères

les bouchères. Page rouge et superbe de sang,

aspect puissant de la chair, tentation fré-

-missante, cruauté voluptueuse, insensibilité

monumentale, santé rose, immolation pourpre

du bœuf britannique et baron d’envergure [doorstreept : de bon aloi],

orgueil de la maison ancestrale.

Oh ! puissant Verhaeren, l’horreur du sujet

n’a pu nuire aux qualités de ta peinture

car l’œuvre est grande et pyramidalement

et son insolente beauté frappe et subjugue.

 

Alfred Verhaeren est né à Bruxelles en 1849.

[doorstreept : Son père le confie au plus réputé des archi-

-tectes d’alors]

Placé par son père chez un architecte réputé,

il travaille dessine enlumine des plans et des projets. Il travaille plu-

-sieurs années durant, sans l’ennui et sans amour.

Beau cousin du grand Emile Verhaeren, lui

aussi coloriste truculent, il feit (in publicatie, fut) toujours de la fête

des couleurs. Assoiffé d’art, il fréquente assidûment

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Encore un ‘’intérieur d’atelier’’ nous montre

des richesses plus profondes.

Que dire des ‘’accessoires’’ dénonçant les

Marocs tapissés de richesses : fonds coloniaux,

paravents de chine où dames trop polies

s’inclinent mollement, simagrées raffinées

de mousmées futées, petits pieds [in bovenschrift : 700] de vierge

blanche ecrasant dragon jaune, crépons

saphyrés, combien chers à Van Gogh, où

guerriers frénétiques et barbus s’entrecou-

-pent, dieux japonais furibonds brandissant

sabres fulgurants bleus. [doorstreept : Jeu des monsttres]     

macaques dansants en rond sur beau plateau de laque

[doorstreept : verts fulgurants, extravaguant leurs grimaces]        

Partout miaulent des bêtes étranges, ici des monstres

verts fulgurants, extravaguent leurs grimaces

Là, caracolent des chevaux problématiques,

rosses singulières, pistri pie-striées d’accents

roses. Plus bas, des mandarins gingembrenés

se gondolent en silence.  Plus haut, des faucons

hérissés, des hérons élégants, des grues hostiles

barrent des lunes zébrées, des papillons irisés

voltigent vers des Bouddhas indifférents et

des grands Lamas larmoyants rêvent en silence

assis sur gros nuages crevassés de vieil or et

de pourpre jaspés.

Encore des tasses et des soutasses, des théières

des coupes et des sous-coupes agrémentées de lourdes

pivoines et de nénuphars frais. Des eventails

précieux où mille couleurs se contrarient

en harmonie. Des potiches arquées, craquelées

bronzées festonnées d’arabesques où vieux

chinois aux doigts crochus et chinoises aux pieds cassés tressent

leurs tresses noires jaunes ou mauves, épinglées d’argent fin.

 

**Aan de linkerzijde verticaal in potlood doorstreept: [stuk moeilijk te lezen]

 

Ou des ticques et des moustiques piquent des bouzes

et des ermites et bouzes milieux et bleus metens

epilet leur trin noire que de ecales m’envie ou

epingler l’argent fin

,

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Enfin mises en lumière ses œuvres sont goûtées

et la revanche est belle. Membre de la Com-

-mission du musée ses avis prudents et sages

sont suivis. Caractère loyal et franc, il jouit

d’une autorité sans conteste et ses confrères

admirent sa foi naïve, ils respectèrent hum-

-blement ses décisions fermes et sans appel.

Le bon peintre fut sincèrement regretté, ses

collègues du musée, desemparés lors de sa mort,

tressèrent des couronnes de lauriers généreux,

fleuries d’immortelles solides durables.

 

2° Alfred Verhaeren fut l’un des peintres combien rares fleurist et sensibles puissants

de l’époque de nos grands coloristes tels

Dubois, De Braekeleer, Artan, Boulenger, Linnig.

Dans les salons étrangers et parisiens sa pein-

-ture rayonne, elle proclame ses qualités, les

nôtres et celles des ancêtres les grands flamands.

Il est de belle lignée, soyons fiers de lui,

de tels peintres sont rares. fin

1° Honorons le chantre ardent des violets profonds

et des roses tendres, le peintre aimant des violettes

graciles et des roses fragiles, aimons avec lui le

parfum profond [doorstreept : des couleurs, le chant tendre] des

fleurs galantes, le chant tendre des eaux pures

et je dirai pour lui sourire.

Couleur, couleur ravissement de nos yeux en-

-chantement de la peinture, amour de Dieu,

paradis de la terre, délices des mondes, vie des

Êtres et des choses. couleur de rêves, couleur

de nos aimées!

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les musées, la peinture admirable de Louis Dubois

le touche, l’obsède. D’esprit indépendant, il rompt

avec son père, délaisse l’architecte et devient l’élève

du plus grand de nos peintres.

Bientôt les difficultés se dessinent, des hostilités se

dressent, des  douairières revêches en mal de dignité

méprisent ses humbles sujets, des confrères retar-

-dataires épanchent leur bile rose, des mondaines

serinées le régalent de leur moue, des vieux bellâtres

à tête de anti-picturaux, à tête de chat musqué,

ricanent de tous leurs crocs endeuillés.

Le peintre isolé s’attriste il attend longuement un soutient, un

réconfort verra t il jamais le messie tant désiré…..

Enfin, violent coup de foudre, Monticelli vint !

C’est le grand frère, le bel aîné, le puissant inspi-

-rateur, l’artificier rayonnant des fusées sardinées diamantées, auréolées

des bouquets rayonnants, eclatants. [doorstreept : Devant tant

de splendeur le coloris de Verhaeren se crispe et

s’affine des ors des br]

des brillants, des rubis, des émeraudes, des saphyrs

et des ors en fusion. Devant tant de splendeur

le coloris de Verhaeren se crispe et s’affine X

[doorstreept : il cuivre ses citrons], ses choux sont sardinés

ou s’améthyste. Ses navets de strass, ses viandes

de grenat, ses carottes de corail, ses radis de

cornaline, ses fonds de pierres précieuses ou oxydés.

Vers la fin deux couleurs vitales et splendides,

le vert et le rouge, le hantent tous feux sonnant.

Elles symbolisent le Bruxelles tant aimé de ses

pères, il les harmonise, les symphonise à souhait

en une gamme presque unique. C’est son chant

suprême de coloriste.

 

   x il cuivre ses ocres, canarise ses citrons, chrome ses cadmiums, vermillonne ses piments.

About this archive record

Identification

  • Object typemanuscript
  • TitleNotice on Alfred Verhaeren, member of the Academie
  • Date1925
  • RelationsAuthor: Ensor, James
    Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Dubois, Louis, Gogh, van, Vincent, Boulenger, Hippolyte, Verhaeren, Alfred
  • Subjectartists [visual artists]

Features

  • Genrecontemplative prose
  • Supportpaper [fiber product]
  • Writing equipmentpens [drawing and writing implements]
  • Digital image numberA4992
  • CopyrightPublic domain

Annotations

  • Annotation contentPublished as an article in: "Bulletins de l'Académie Royale de Belgique", 1925, Vol. 7, pp. 110-115. | A few more names are mentioned in the text: Crabbe familie, De Braekeleer, Artan, Linning.

Location

Extra data

Rubens

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