ZAAL Z

Prier au lit

PAR VÉRONIQUE VAN PASSEL

Le d-Diptyque de Christian de Hondt, abbé de Ten Duinen, est une œuvre d’une rare richesse. Le nom du peintre nous est inconnu. On l’appelle provisoirement le « Maître de 1499 », en référence à la date inscrite sur le volet droit, côté extérieur. Trois diptyques, un dessin et deux miniatures d’un manuscrit enluminé lui sont actuellement attribués. On sait que les volets extérieurs de ce diptyque ont été repeints sur ordre d’un abbé postérieur, durabilité avant l’heure.

Lorsque le diptyque est ouvert, on découvre à gauche une copie du tableau de Jan van Eyck La Vierge dans l’église (Berlin, Gemäldegalerie). Dès le XVe siècle, le maître était très apprécié et ses œuvres largement copiées. Ici encore, alors que Van Eyck était déjà mort depuis près de soixante ans. La Vierge semble trop grande pour l’église, ce qui peut paraître étrange aujourd’hui, mais cela n’est pas dû à un manque de savoir-faire. C’est une idée qui est représentée : Marie est le pilier de l’église. Mieux encore : Marie est l’église.

Une expérience intime

L’abbé à droite est en adoration devant la Vierge. Remarquez la précision avec laquelle le peintre rend les objets et l’architecture. Sur le prie-Dieu repose un livre de prières enluminé, posé sur un coussin, avec des fermoirs décorés et un tissu de protection dessous. C’est manifestement un objet précieux. La mitre ornée de perles et de pierres précieuses est posée à côté du religieux au premier plan, également sur un coussin. Le lourd bâton d’abbé s’appuie contre le mur près de la cheminée, où un feu crépite pour réchauffer la pièce.

Le chien endormi sur le tapis profite aussi de la douceur de cette pièce. Sa présence est probablement une allusion au nom de l’abbé en prière : De Hondt. Des pichets en étain avec des couvercles décorés reposent sur un « tresor », ce que nous appelons un buffet. Ne manquez pas non plus les trois oranges, des fruits importés très coûteux en provenance d’Espagne lointaine. À côté du lit à baldaquin bleu se trouve un coffre-banc ou un siège, garni d’un coussin de confort, avec une étagère à livres au-dessus.

Copie du tableau de Jan van Eyck La Vierge dans l’église (Berlin, Gemäldegalerie).

Copie du tableau de Jan van Eyck La Vierge dans l’église (Berlin, Gemäldegalerie).

L’abbé De Hondt en adoration devant la Vierge.

L’abbé De Hondt en adoration devant la Vierge.

L’abbé De Hondt fait ici en peinture ce que l’abbé De Hondt faisait en réalité : prier en regardant une représentation de Marie ou du Christ. C’est à cela que servaient des diptyques comme celui-ci : susciter la foi et la piété. Grâce à ses dimensions pratiques — à peine plus grand qu’une feuille A4 en format paysage — ce petit diptyque pouvait être emporté en voyage. Il offrait surtout ce que nous appellerions aujourd’hui une expérience intime. Ce type d’objet de dévotion était disposé dans une pièce tranquille, à l’abri des visiteurs.

Christiaan de Hondt suspendait son diptyque à une chaîne accrochée à son lit à baldaquin. Ainsi, il pouvait rester au chaud dans son lit tout en accomplissant les Matines et les Laudes, les prières nocturnes obligatoires.

 

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