Ensor to Einstein at a lunch in Coq sur Mer
[...] publié dans la revue
musicale belge du 5 septembre 1933. Ensor à Einstein.
a un dejeûner qui eut lieu à Coq sur Mer
Entre nous, je me permets de saluer un convive de poids,
lourd ou léger, un voisin nimbé d’importance. Bloc de science
enfariné de fleurs par un confrère de la côte sur la dune perché
A vous, grand penseur, beau lanceur de rayons probants, vos
traits chevelus d’argent dégageant des lumières millénaires.
Oui, les corps célestes irradient les paradis des relativités rotariennes
allument le champ clos de notre table où verres, coupes, cristaux,
flacons reflètent les paillettes et les cris de joie et de soie de
Jeunes étoiles en goguettes, où pétards bougies, fusées incendient
nos sens et brûlent l’esprit de nos pensées.
mais vous, l’homme de lumière, vous reflétez des soleils invente-
riez des planètes, inventez des lunes, illustrez des étoiles. Encore, ce
qui vaut mieux, vous éteignez des astres paresseux, vous enrayez
des bolides égarés, en mal de chute et de rechute.
Mesdames, Messieurs, veuillez excuser mon libre parler, mon langage humblement pictural
mes termes déplacés aigus ou ambigus, antimathématiques, où j’ai toujours condamné les
mondes où l’on s’embête et leur pluralité.
chez nos confrères rotariens de Chine ou d’Amérique, on rote en fumant, chez nous, on songe
en mangeant, on pense en buvant.
Ici, chers amis, buvons et fraternisons sous le soleil nappé de gris des temps indécis.
Hélas, trois fois Hélas !!! les peintres esclaves de la vision demeurent rebelles aux rayons positifs
tout comme à la raison positive, aux calculs, aux probabilités, entre la raison et la compréhension,
entre l’apparence et le font des choses , le désaccord demeure profond.
Et vous me dites, éminent savant, que six n’est pas neuf. Je répondrai: quand d’un coup de
pied léger je renverse six cela fait neuf ‘ et quand vous me direz ‘six et huit font quatorze’
je répondrai; ‘six et huit font soixante-huit’; en ce cas mesdames et messieurs tout est relativité.
Et l’on a toujours dit: ‘Il y a plus de vérités relatives que de vérités absolues’.
Sachons au besoin apprécier la vielle devise belgo-opportune: ‘du choc des idées jaillit la lumière.
cher maître grand, acceptez mon salut. Excuser mes paroles pimentées de sentiment.
A vous, amis, mes remerciements venus du cœur et de la main en ligne courbe de vie
et d’allégresse.
Venus du cœur, le foyer incandescent, du cœur qui bat parfois midi à quatorze heures, mais
chef d’œuvre quand même de l’horloger divin.
Louons rondement le grand Einstein et ses ordres relatifs, mais condamnons l’algébriste et
ses racines carrées, l’arpenteur et sa racine cubique.
Je dis que le monde est rond, aussi à dieu soleil et madame la lune, rondes sont les joues,
rondes les risettes, rondes les prunelles, rondes les mastelles, rondes les assiettes, rondes les
croupes, rondes les coupes, mais chantons carrément cette foi, mesdames, messieurs et
en chœur s’il vous plaît. Il n’y a qu’un Einstein qui règne dans les cieux!
James Ensor août 1933.
About this archive record
Identification
- Object typemanuscript
- TitleEnsor to Einstein at a lunch in Coq sur Mer
- Date08/1933
- RelationsAuthor: Ensor, James
Einstein, Albert - Subjectscientists
Features
- Genrecontemplative prose
- Supportpaper [fiber product]
- Writing equipmentpencils [drawing and writing equipment]
- Digital image numberA5006
- CopyrightCopyright undetermined
Annotations
- Annotation contentWritten on letterhead of Hôtel Providence-Régina in Ostend, with pre-imprinted year '194..' | At the top left, it is noted in pencil: "(?) publié dans la revue musicale belge du 5 septembre 1933."
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