5 restaurations exceptionnelles de Rubens
1. Sainte famille au perroquet
Un moment de repos, pense Marie en ébouriffant tendrement les cheveux de Jésus. Elle nous regarde avec attention. À en juger par l'expression malicieuse de Jésus, cette sérénité ne va pas durer. La mère et l’enfant constituent les éléments clés du tableau, et ce littéralement, car après avoir délaissé le tableau pendant une vingtaine d’années, Rubens le retravaille en y ajoutant le personnage de Joseph, un perroquet et un paysage d'été. En 1633, le peintre fit don de son œuvre à la guilde de Saint-Luc. Rubens, voulait-il leur présenter une œuvre plus importante qu’une simple représentation de Marie et Jésus ? Quoi qu'il en soit, en vingt ans les modes avaient changé. Ainsi, Rubens donna à Marie une robe plus tendance et une nouvelle coiffure en relevant les cheveux détachés. Après la mort de Rubens, une nouvelle bande fut ajoutée à la partie supérieure du tableau.
Ces ajustements et extensions ont compliqué la restauration : différents mélanges de peinture, bois se déformant dans plusieurs directions et décolorations des pigments bleus et rouges. Tout cela sous d'épaisses couches de vernis jaunies et craquelées. Malgré les restaurations précédentes, en 2012 une nouvelle restauration s'imposait. Celle-ci fut achevée en 2014. Depuis lors, on retrouve la scène intime telle que Rubens l’a conçue.
2. Épitaphe de Nicolaas Rockox et de son épouse Adriana Perez
Au XVIIe siècle, les gens les plus riches pouvaient se faire construire des chapelles funéraires dans les grandes églises. L'un d'entre eux était Nicolaas Rockox, bourgmestre d'Anvers. Un tableau très personnel et chargé d'émotion fut commandé pour orner sa chapelle dans l'église des Frères mineurs, démolie par la suite. L'homme idéal pour peindre un triptyque commémoratif pour Rockox et sa femme espagnole fut de toute évidence son ami proche Rubens. Le couple choisit un épisode de la Bible comme thème central du tableau : le disciple Thomas doutant de la résurrection du Christ.
La belle plastique musclée du Christ a rendu cette mission particulièrement agréable pour Eva van Zuien qui a passé deux ans à restaurer l'œuvre, même si ce fut laborieux de venir à bout de diverses couches de vernis et d’anciennes restaurations. Heureusement, la peinture originale s’est avérée en excellent état de conservation. L'amitié intime de Rubens avec Rockox est aujourd'hui plus évidente au vu du portrait très réaliste qu'il a peint sur l'un des panneaux latéraux.
3. L'Arc de triomphe de la Monnaie
La collection Rubens du KMSKA ne comprend pas uniquement des scènes religieuses. Car Rubens était bien plus qu’un peintre. Lorsque le roi d'Espagne place le cardinal Infant Ferdinand à la tête des Pays-Bas espagnols, le nouveau gouverneur entreprend une tournée de présentation. En 1635, c'est au tour d'Anvers d'organiser une réception solennelle. La ville est embellie et richement décorée, avec notamment un arc de triomphe temporaire dont la conception fut confiée à Rubens. Toute la symbolique de l’arc avec ses nombreuses figures mythologiques se réfère à l'argent ainsi qu’à l'exploitation des métaux précieux tels que l'or et l'argent, notamment de la montagne péruvienne que Rubens met au centre de l’œuvre. Il est entendu que l'empire espagnol dépendait fortement de ces richesses
La richesse du dessin de Rubens était dissimulée sous d’épaisses couches de vernis encrassées et de surpeints masquant les couleurs d’origine ainsi que les traits d’ébauche. A certains endroits, la couche picturale s’était détachée du support. Jill et Ellen Keppens ont enlevé les vernis accumulés et fixé la peinture soulevée. Ce faisant, elles ont découvert les empreintes digitales de Rubens dans la couche picturale et des détails subtils qu’il a su capturer en quelques coups de pinceau habiles : une salamandre grimpant sur l'arche, par exemple, et le dessin d'une tête de lion.
4. Minerve foudroyant la Discorde
En 1621, le roi Charles Ier d’Angleterre demanda à Rubens d’orner les caissons du plafond de la future Maison des Banquets avec neuf tableaux. Le KMSKA possède l'une des esquisses préparatoires à l'huile représentant Minerve, la déesse romaine de la sagesse, terrassant la Discorde. Au XIXe siècle, on retira le bois sur lequel Rubens peignit l'esquisse et celui-ci fut remplacé par de la toile. Dans les années 1950, la toile fut à son tour remplacée par un panneau de particules. Dans les deux cas, du papier a été utilisé comme support temporaire pour le transfert, comme le confirment les récentes recherches accompagnant la restauration.
Les personnages ont bien résisté à ces interventions hasardeuses, le ciel qui les entoure moins. Celui-ci a été retouché par la restauratrice Titania Hess là où c’était nécessaire. Grace à cette intervention couplée à l'élimination des vernis jaunis et surpeints disgracieux, on peut apprécier à nouveau la composition tourbillonnante telle que Rubens l’a voulue.
5. Épitaphe de Jan Michielsen et de son épouse Maria Maes
Tout comme Nicolaas Rockox, Jan Michielsen pouvait s’offrir son propre monument funéraire enrichi d’un tableau de Rubens, et cela au sein de la cathédrale. Le panneau central du triptyque montre immédiatement ce en quoi le baroque excellait : montrer et susciter l’émotion. Le corps blême du Christ est entouré par sa mère et ses fidèles disciples tous profondément affligés.
Malheureusement, une fois de plus toute cette émotion fut dissimulée sous des couches de vernis jaunies. En enlevant l'épaisse couche de crasse, les restauratrices Eva van Zuien, Jill et Ellen Keppens ont découvert, outre des larmes, des couleurs intenses ainsi que les modifications que l’œuvre a subies. Nous savons, grâce à divers scans, que Rubens modifia sa composition tant sur le panneau central que sur les volets latéraux. Que le Christ, par exemple, fût dans un premier temps davantage vêtu nous donne un aperçu du processus de réalisation. Les différences dans les touches picturales suggèrent qu’il est fort possible que plusieurs disciples aient collaboré au triptyque.
Grâce à
Sainte Famille avec le perroquet de Pierre Paul Rubens et Epitaphe de Nicolaas Rockox et son épouse Adriana Perez ont été restaurés avec le soutien financier du Fonds Baillet-Latour.