Trendsetter au décolleté

Agnès Sorel a tout pour elle : belle, intelligente, habillée à la dernière mode et puissante. En 1444, le roi de France Charles VII pose son regard sur Agnès, 22 ans, et se dit : c'est elle ! Et Agnès ? Elle connaît manifestement ses atouts et surtout, elle sait s'en servir. Sa poitrine généreuse, par exemple. Un tel atout mérite d'être mis en valeur si l’on veut garder l'attention du roi. En véritable lanceuse de mode, Agnès en finit avec l’encolure austère et se montre épaules nues, nous présentant son décolleté vertigineux qui n’a rien à envier à celui d’une Jennifer Lopez. Il lui arrive évidemment « d’oublier » de boutonner son bustier ce qui cause inévitablement quelques nipplegates. Et comme toujours, la nudité a ses partisans et détracteurs, même si la plupart de ses détracteurs semblent être plus offusqués par le diamant colossal qu'elle porte autour de son cou. Seuls les rois portent des diamants et Agnès n’était qu’une fille de la petite noblesse !

Femme puissante à côté du trône

Agnès reçoit de Charles VII le château de Loches où Jeanne d'Arc le soutient dans sa quête du trône. La succession au trône de France se passe de manière quelque peu désordonné, une situation qui déprime parfois le roi lui-même. Sans parler de ces Anglais qui ne cessent de semer la zizanie. 

Agnès apporte de la vitalité au roi. Grâce à elle, il trouve le courage de mettre de l'ordre dans le royaume et ses finances, et il reprend le combat contre les Anglais. Agnès peut maintenant siéger à côté du roi dans la salle du trône en tant que première maîtresse officielle du souverain. Elle n'est pas une femme sur la touche. Là aussi, elle est une fois de plus l’initiatrice puisqu’après Agnès, les maîtresses des rois de France sortent davantage de l’ombre et deviennent influentes.

Charles VII (1403 - 1461) de Jean Fouquet, Louvre - Agnès Sorel était la maîtresse du roi de France Charles VII.

Aussi belle que Marie

Même si tout le monde n’apprécie pas son influence politique, une chose est incontournable : Agnès est de loin la plus belle femme de France, de l'Europe même. Et c’est ainsi que Jean Fouquet l'a peinte vers 1454, en Madone allaitante, incarnant l'idéal de beauté de l’époque. Si les femmes aspirent seulement à être aussi belles que Marie, Agnès l’est avec son long cou, sa peau blanche, les sourcils et la ligne de cheveux épilés. À contre-courant, Fouquet peint Marie comme une femme sensuelle et à la dernière mode. Jésus ne manifeste aucun intérêt pour sa poitrine et Marie ne l'encourage pas vraiment à boire. Peut-on donc à juste titre se demander si cette Madone est bien un parangon d'amour maternel ou plutôt un hommage à la belle Agnès ?

Meurtre ou accident ?

En plein hiver 1450, Agnès enceinte de sa quatrième fille du roi, se rend sur le champ de bataille de Jumièges pour soutenir le roi. Elle y donne naissance, mais la mère et la fille décèdent subitement. En 2005, une équipe médico-légale examina les ossements d'Agnès et y trouva suffisamment de mercure pour tuer dix personnes. Est-ce une malencontreuse overdose de drogue ou Agnès fut-elle assassinée ? Peut-être par Louis XI, l'héritier du trône ?

Pourtant, c'est d'Agnès dont on se souvient. Comme la soupe qui porte son nom, comme une super-héroïne et encore comme le sujet d'une des plus belles peintures françaises.