ZAAL Z

La vie : belle mais brève

PAR SISKA BEELE

Au deuxième étage du KMSKA, à deux pas de scènes de taverne animées et de retables spectaculaires, on entre dans une salle où la vie s’immobilise littéralement. On y voit les plus beaux natures mortes du XVIIᵉ siècle de la collection du musée. Aucun être humain n’apparaît. Ce sont les objets qui dominent : citrons, raisin, plats, verres à pied, fromages, huîtres, tulipes — immobiles devant le regard, mais si visuels, palpables et presque comestibles. Chaque objet, fleur ou fruit est travaillé avec une extrême finesse ; chaque étalage, chaque bouquet est ingénieusement composé et subtilement éclairé. Ces peintures ont été conçues pour être belles, caresser l’œil et exciter les sens.

Souffler des bulles

Mais qui regarde attentivement découvre ici et là des signes subtils de dégradation : fruits commençant à pourrir, pétales tombants, fissures dans la porcelaine, allusions mélancoliques. Ces détails confèrent une portée moraliste à ces œuvres : ils rappellent que derrière tout ce luxe et cette beauté, le déclin est déjà à l’œuvre. « Vanitas vanitatum et omnia vanitas », dit le Prédicateur dans la Bible — « Vanité des vanités, tout est vanité », ou comme le rend la nouvelle traduction française : « Air et vide, tout n’est que vide ». Ce message implacable du livre de l’Ecclésiaste s’exprime de manière saisissante dans ce que l’on appelle les natures mortes vaniteuses, comme celles de Franciscus Gijsbrechts (1649 – après 1677).

Sur une table encombrée repose une collection d’objets symboliques. Le message est clair : la vie est courte et la mort inévitable. Le crâne au centre, le sablier épuisé, les bougies s’éteignant et le marbre fissuré évoquent le passage du temps et la nature éphémère de toute chose, même de la pierre la plus solide. Tout ce qui existe sous le soleil n’est que souffle et poursuite d’un mirage. La pipe à tabac et les instruments de musique offrent seulement des plaisirs éphémères. La proclamation royale avec son sceau et le globe symbolisent le pouvoir et la richesse, tandis que les livres, les lunettes et les outils d’écriture représentent le savoir et la sagesse — mais même eux ont une fin. Comme la beauté. Regardez les bulles de savon à gauche du tableau : elles montent doucement, flottent sur l’air, sans hâte ni but. Il suffit d’un peu d’eau savonneuse dans une coquille de moule avec une paille pour en souffler de magnifiques. Naturellement, les bulles sont porteuses de sens. Érasme en écrit, et déjà dans l’Antiquité, le Syrien grec Lucien de Samosate évoquait « Homo bulla » — l’homme est une bulle. Fragile, fugace et vide. Aussi paisible que mène sa vie, aussi soudainement l’existence s’achève.

La foi chrétienne en la Résurrection offre la seule consolation face à cette vision sombre de l’existence. Les épis de blé entourant le crâne en sont le symbole. Ceux qui mènent une vie vertueuse et sincère trouveront leur place au ciel. Pour toujours.

 

Cet article a été publié précédemment dans ZAAL Z, le magazine du musée. Pour seulement 35 euros, recevez quatre éditions et plongez dans l’univers fascinant du musée et de sa splendide collection.

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