ZAAL Z

Miroir au mur. Introspection en bleu

PAR VÉRONIQUE VAN PASSEL

Le KMSKA présente sa collection permanente en dialogue avec des prêts d’œuvres contemporaines d’artistes établis. Voir l’art actuel aux côtés des maîtres anciens et modernes pousse le visiteur à porter un nouveau regard sur l’art.
C’est particulièrement vrai pour Untitled (2002) d’Anish Kapoor (né en 1954), une œuvre conçue pour interagir avec le public. L’artiste britanno-indien est reconnu pour ses formes sophistiquées, ses couleurs intenses et son usage de matériaux high-tech. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, il expérimente l’effet des miroirs bombés et colorés sur l’espace environnant.

Déstabilisant

Difficile de résister à l’envie de s’arrêter devant le disque monumental bleu profond de Kapoor. Sa surface concave et lisse crée un effet optique fascinant, engageant un dialogue visuel avec le spectateur. L’œuvre déforme ton reflet, allonge ton corps jusqu’à des proportions absurdes si tu t’en approches. Si tu recules, elle te projette au loin. La gauche devient droite, tout est inversé. Même les coupoles lumineuses du musée semblent gésir à tes pieds. Bref : observer cette œuvre est une expérience déstabilisante. Notre environnement tangible et notre perception familière sont bouleversés. Untitled remet en question la stabilité de nos certitudes.

Bleu royal

Anish Kapoor a grandi à Mumbai, dans un environnement cosmopolite. Sa mère était juive irakienne, son père un athée d’origine hindoue. En 1973, à 19 ans, Kapoor s’installe à Londres pour suivre une formation artistique. Il y vit et travaille encore aujourd’hui.


Il apporte de l’Inde les couleurs vibrantes des temples, des marchés aux épices et aux tissus. Les pigments purs qu’il utilise évoquent à la fois la symbolique des couleurs dans l’hindouisme et la tradition picturale occidentale.

Le bleu royal revient régulièrement dans son œuvre. C’est une couleur aux multiples connotations dans l’histoire de l’art : on la retrouve dans l’Égypte ancienne, dans l’ultramarine précieuse du manteau de la Vierge chez les primitifs flamands, ou encore dans le célèbre Blue d’Yves Klein. Dans la culture hindoue, le bleu est une couleur spirituelle. Les dieux Krishna, Shiva et Rama sont représentés dans cette teinte céleste, symbole de leur lien avec l’infini. Le bleu incarne équilibre, stabilité et assurance.

Le bleu réfléchissant et velouté de Untitled est à la fois apaisant et intriguant. L’œuvre appelle à l’introspection, voire à l’absorption totale : on s’y perd. Untitled révèle la maîtrise de Kapoor à capter l’infini dans un objet fini. Lumière, forme et couleur s’unissent ici pour une expérience autant physique que mentale.

Bleu de Paris

Untitled est exposée dans la salle Couleur, à côté de Midzomer (1954) de Marc Mendelson, une œuvre qui explore divers tons de bleu – du cobalt au bleu céleste, en passant par l’indigo. Un peu plus loin, on découvre un vitrail du début du XVIe siècle, œuvre de Jean Chastelain, représentant une Pietà provenant de l’église du Temple à Paris, démantelée en 1795. Dès le XIIe siècle, les artisans parisiens perfectionnèrent la technique de coloration du verre au cobalt, créant ainsi les vitraux d’un bleu encre célèbre dans les églises de la capitale française.

Une seule couleur suffit ici à faire dialoguer les siècles dans une même salle du musée.

Cet article a été publié précédemment dans ZAAL Z, le magazine du musée. Pour seulement 35 euros, recevez quatre éditions et plongez dans l’univers fascinant du musée et de sa splendide collection.

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