Toespraak voor de receptie van de Koninklijke Academie van België
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Vous les grands, vous les immortels
vous m’honorez de vos sympathies,
vous avez daigné m’accorder une place
à vos côtés. Beau côtés du droit et de
la droite.
Orientés vers les idéalités mesurées,
zénithées d’harmonie et de belle
concordance, vous m’indiquez des
mondes nouveaux .
nobles boites cränéennes coupolées
de raison pure vous réfletez
combien glorieusement nos gloires
ancestrales et grâce à vos patients
Travaux nos grands hommes ont
chance de survie. Vous sauverez
de l’oubli bien des caractères, bien
des dédaignés.
Songeons, chers collègues, aux jeunes
travailleurs, surtout aux apporteurs
de beauté nouvelle. Un accord
secret, caché mais souverain relie
les beautés et les caractères les plus op-
-posés , des rapprochements s’indiquent
et si l’on a pu dire avec le christ ‘’ai-
-mez vous les uns les autres ‘’ on devrait
dire aujourd’hui louons nous les uns
les autres
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Hélas! il faut condamner les dévo-
-rants de Saturne toujours annelés
de plomb lourd, ennemis des rayons
d’apollon l’éclat du fier soleil les
aveugle tout comme l’iris discret
des lunes pudiques les offusque quel-
-ques etoiles simili ornent complai-
-samment leur poitrail immense
et leur front de taureau est cornu
de suffisance, hommes de plomb
au cœur lourd, ils aboierons tou-
-jours à la lune, démoliront les
tours naïves, niveleront les dunes
vierges, combleront les eaux opalines
de nos bassins, abattront nos arbres
frémissants criant à la mort.
Hélas! chers collègues, j’ai parfois
dévoré mes enfants et renié cer-
-taines de mes œuvres.
A dix-sept ans, je convoite le prix
de Rome mais à vingt ans révolu-
-tionnaire outrancier, frondeur com-
-batif, je crie généreusement « Place
aux vieux ! Place aux vieux !!
Respectez les écoles eteintes !
mon tempérament d’anglo-saxon,
sensible ondoyant me lançait d’
un pôle à l’autre de l’art.
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la vague, ouïe dans les vents. Des
culbutes fantastiques des nuages peu-
-plés de chimères, la danse des mi-
-rages, les crécelles des mouettes, les
gammes suprêmes des syrènes amou-
-reuses, les longs cris de la tempête
m’emplissaient d’allégresse inventive,
de témérités désordonnées. Les nervures
admirables des choux monumentaux,
aussi leurs formes Triomphales me
hantaient tout comme les lignes
sévères de David, ou celles brisées de
Delacroix, ou celles charnues de Rubens,
son maître, et les figures augustes et
virginales du bel Ingres du musée
m’arrachaient des cris d’enthousiasme.
Poussé par des vents souvent contraires,
j’ai vogué à l’aventure vers les pays miro-
-bolants. Cela m’a valu toutes les délices des
horizons peuplés de rêves infiniment nuancés.
Parfois des côtes dures, des lames de fond et de
tréfond, des banquises chargées d’ours bourgeois
de phoques-peintres suintant l’huile de foie de
morue, des syrènes en toc des merlans miaulant,
des critiques d’art chétifs choucrouttés, mal digé-
-rant. J’ai dû manœuvrer envers et contre tous :
vents contraires ou alizés, marées d’équinoxes,
courants chauds, courants froids mais jamais
tempérés. Que de misères entrecoupées d’
arcs-en-ciel consolateurs. Que de peines
joyeuses. Que de joies mélangées !
J’ai vu couler dans une mer d’hui-
-le les bateaux de mon confrère Delville,
peut-être trop chargés de matière idéale,
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Masques expressifs, raies majestueuses,
jardins d’amour poudroyants, marins
déformés, intérieurs lumineux et osci-
-llants, diables corrosifs, féminités mu-
-sicalement parfumées languées de lu-
-mière et des flammes de neige allu-
-maient étrangement ma peinture de
ce temps.
Quand je refeuillette mes cartons de
1877, je retrouve des angles cubistes,
des éclats futuristes, des flocons im-
-pressionnistes, des chevaliers dadas, des
attaches constructives.
Mon vénéré et docte professeur Joseph
Stallaert me déclarait sans ambages :
« Vous dessinez des cristaux, je suis for-
-cé de vous complimenter sur votre dessin,
mais pourquoi faites vous des dessins
contre l’académie ? monsieur Por-
-taels vous laisse donc faire tout
cela ? »
Je n’ai jamais compris le désarroi
des professeurs devant mes recher-
-ches inquiètes. Un instinct secret
me guidait, encore, une compré-
-hension de l’atmosphère mariti-
-me, humée dans les brises, aspirée
dans les buées perlées, puisée dans
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J’ai pu éviter les brulots solidement ancrés,
j’ai enterre le Hollandais volant le Kraken
tentaculaire, Sinbad le marin, le grand
serpent de mer et les vieux corsaires ostendais
gâvés d’affreuses chiques m’offrirent maintes
prises de tabac trop saucé.
Vers les pays de Narquoisie et des inquié-
-tudes palpitantes, j’ai mené voiles battantes
ma barque pavoisée de flamme adjectivées
d’encre.
Enfin je salue ma joyeuse entrée parmi
vous au bon port du refuge académique,
où les torches rouges antiques et les phares
jaunes modernes marient leurs feux
et sans façon. Je serai parmi vous des
excursions vers les régions Nestoriennes
de bon repos et de sagesse.
J’aimerais défendre avec vous la jeunesse
et ses espoirs et je dirai à tous, la belle
légende du Moi, du Moi universel
du Moi unique, du Moi ventru du
grand verbe Être : je suis, nous som-
-mes, vous êtes, ils sont !
Mes chers collègues, je vous remercie
En allégresse.
James Ensor
Over dit archiefstuk
Identificatie
- Objecttypehandschrift
- TitelToespraak voor de receptie van de Koninklijke Academie van België
- Datum1925
- RelatiesAuteur: Ensor, James
Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique - Onderwerpkunstacademies
Kenmerken
- Genreredevoeringen
- Dragerpapier [vezelproduct]
- schrijfmateriaalpennen
- TaalFrans
- Digitaal afbeeldingsnummerA4990
- CopyrightPublic domain
Aantekeningen
- Annotatie-InhoudEen aantal schilders worden vermeld: Jacques-Louis David, Eugène Delacroix, Peter Paul Rubens, Jean-Auguste-Dominique Ingres, Jean Delville, Joseph Stallaert, Jean Portaels.
Locatie
- MagazijnlocatieKMSKA archiefdepot
- Deel van archief
Extra gegevens
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