Mjoezik
Ah! ma musique. Elle m’a donné du mal. Elle m’a donné du bien ma bonne déesse. Elle et ses dièses et ses soupirs. Je l’aimais tant. Et mon père l’adorait et ma mère la prisait. A l’époque tendre de leur entente ils roucoulaient de concert des romances romantiques en vogue vers 1860 et des duos sentimentaux. Et moi à six ans je compose au piano et promène sur les touches noires de préférence, valses, mazurkas, polkas, galops, marches, berceuses, prières, incantations. Enfin mon doigter fin étonne les musiciens, surprend le compositeur, la prestesse de ma menote fragile déroute le virtuose, ma libre mélodie alarme le chantre, pique l’organiste, stimule le chante-clair, intéresse le flûtiste.
Un beau matin au lever des couleurs de l’aurore le chef de musique de la garde civique ou comique charmé par le rythme endiablé de ma marche à la lune, l’accepte d’emblée pour la faire jouer par ses grosses fanfares avec éloges à la clef.
O. l’émotion de mes grands-parents quand les sons déchirant de mon pas redoublé aiguisés par trompettes, beuglés par bombardons, mugis par tubas, écorchés par pistons, grossis par cors, corsés à grand fracas par caisses, tambours, clairons m’inondent de délices, me gavent d’orgueil civique.
Et traderidera après ce beau succès envié par les gosses, j’entre à l’école de musique pour apprendre les notes, stabiliser mes mesures, solidifier mes impressions, régenter mes licences, caporaliser mes improvisations, canaliser mes rêves, uniformiser mes gammes.
Là, grosse déception, dès la première leçon un affreux garnement, malpropre, pelliculé, jaloux à crever me lance ses parasites, me couvre de ses poux en me pinçant l’oreille.
Chatouillé sur toutes les coutures, abreuvé de noir dépit, saturé de couics et de couacs je rentre au logis. Alors ma mère blanche de colère en me voyant pâle et défait, et pleine de dégoût en me lavant la tête, gronde peu musicalement: assez de musique. Une bonne école vous attend. Enervé, contrarié, morfondu, j’entreprends la peinture et j’y fourre musique sur musique c’est-à-dire; rappels, accents, accords, harmonies, dissonances à foison et je deviens le peintre des tons purs et des vives sonorités.
Et encore, je clame de tous mes vieux poumons:
Vive la musique, ma muse inspiratrice, ma dame Consolatrice.
-- James Ensor
Over dit archiefstuk
Identificatie
- Objecttypehandschrift
- TitelMjoezik
- RelatiesAuteur: Ensor, James
Ensor, James Frederic, Haegheman, Marie Cathérine, Haegheman, Jean-Louis, Hauwaert, Marie-Antoinette - Onderwerpmuziek
Kenmerken
- Genrebeschouwend proza
- Dragerpapier [vezelproduct]
- schrijfmateriaalpennen
- TaalFrans
- Digitaal afbeeldingsnummerA4080
- CopyrightPublic domain
- Techniekhandschrift
Aantekeningen
- Annotatie-InhoudOp de achterkant staat in potlood "Miousic" en "6 octobre" genoteerd.
Locatie
- MagazijnlocatieKMSKA archiefdepot
- Deel van archief
Extra gegevens
- IIIF manifesthttps://iiif.kmska.be/iiif/3/34824/manifest.json
- Record identifier